dimanche 17 mars 2013

Coup d'peau

Ma fringale de livre de cette semaine m'a ravi,
j'ai lu du pur,
du brut,
du au-delà des mots...


Parce que je voulais m'essayer au Festin nu, du très halluciné William S. Burroughs, j'ai voulu commencer à m'habituer à son style en lisant Le Porte-lame (The Blade Runner)*, une nouvelle antérieur au Festin.
Il faut s'ouvrir aux phrases-images. Il faut lire la page et le chapitre dans leurs ensembles, comme il faut prendre du recule pour apprécier certains tableaux. Il ne faut pas avoir peur. Il faut lire les narrations comme elles viennent, si plusieurs histoires s'emmêlent, il faut en saisir les fils et se laisser tirer comme ça, sans chercher.
Au final, une fiction d'anticipation (pas si lointaine, comme toujours). Il est question d'une cité ou tout le monde est malade, où la couverture de santé universelle n'existe pas. Où des gangs de médecins des rues sillonnent les quartiers. Les uns contaminent avec un virus A, seul remède contre le cancer B. Les autres contaminent avec le cancer B, seul remède contre le virus A:

"La stérilisation était le prix à payer de tous les soins."

J'ai bien aimé.
Suis-je prête pour le Festin nu ?

*Ridley Scott a repris ce titre pour son film, mais le scénario n'a aucun rapport avec la nouvelle, même si "l'esthétique" du film n'est pas si éloignée du monde de Burroughs.


Je pose ce livre et dévore le suivant.
La peau et les os de Georges Hyvernaud.
C'est l'écriture la plus forte qui m'ai été donné de lire depuis...bien longtemps.
Et je pèse mes mots, comme lui les siens.
Chaque mot a sa porté.
C'est l'histoire d'un homme qui revient de la guerre et qui ne comprend pas ce que les hommes sont.
Ce sont les impressions d'un homme qui sait que ce qu'il vit est absurde et qui baigne son corps dans cette conscience total de l'oubli de soi.
C'est la parole seule dans l'obscurité d'un homme qui n'a rien que sa peau et ses os, et qui apprend à s'en contenter, malgré tout.
Ce roman ne m'a pas seulement plus : il m'a fait du bien. 
Avec cette lucidité qui fait l'effet d'un corps plongé dans une baignoire d'eau glacée.
Extrait choisi (texte publié en 1949, jugez plutôt de la modernité du propos !):
"Nous rêvions la guerre et la paix. Jamais l'Histoire n'avait paru aussi loin de ceux qui la font, alors même qu'elle exigeait les participations les plus précises. C'est cela le propre de notre époque : d'avoir profondément désorganisé le réel, de nous avoir fait perdre notre confiance dans les choses et les êtres, dans la constance, la cohésion, la densité des choses et des êtres.
Les machines s'en sont mêlées. La TSF, le cinéma, le téléphone, le phono : toutes les machines inventées pour nous soustraire aux contacts directs, aux corps à corps avec les hommes et la nature. Toutes d'accord pour opérer une incroyable altération de notre vision de vie. Autrefois, un homme, quand il était là, c'est qu'il était là : complet, entier, rassemblé. Et de même un événement. Mais aujourd'hui on ne sait plus ce qui est absence, ce qui est présence.On avance en somnambule parmi les apparences, des reflets et des fantômes. L'aventure individuelle et l'aventure collective sont soumises à des transpositions, à des dissociations et à des éparpillements infinis. Voix sans corps, corps sans épaisseur et sans poids, visages sans dimensions, existences sans dates. Une vie, la vie, c'est devenu des signes sur du papier, des sillons sur la cire, du noir et du blanc sur dix mille écrans, des mots tombant en pluie sur cinquante millions de demeures. Notre destin de chair est absorbé par notre destin d'ombre."
Editions Dilettante, p.107/108

Donc maintenant je lis Les feuilles volantes de Georges Hyvernaud et Le Festin Nu (Lunch naked) de William S. Burrough. 
Ce mélange a un drôle de goût qui décidément me plaît bien.

mercredi 13 mars 2013

tourner en rond...

...et faire des triangles :

Dernier triangle en date :
TRENDY CHÂLE bi-matière, bi-colore, bi-en...

 Tweed from John Lewis, London, alpaga de la Droguerie, Paris

waiting for spring...

Et avec un coupon japonais d'1 mètre?
on fait quoi ?
(patron maison, il reste une chute de 10x4cm !)
OUi, je la porte, 
même avec la neige...
on va pas se laisser emmerder par les éléments non !

samedi 2 mars 2013

dans tes oreilles et dans ton coeur

Quand j'avais 3 ans, on m'a offert une petite guitare.
Quand j'avais 5 ans j'ai voulu jouer de la guitare électrique au conservatoire de ma ville. Ma mère m'a dit "si tu veux ma chérie, mais au conservatoire c'est pas de la guitare électrique". On m'a montré une guitare "pas électrique" j'ai fait le rapprochement avec Chico et les Gipsy King dans ma petite tête de 5 ans et j'ai refusé....A la télé, je tombe sur le clip d'Aux sombres héros de la mer, et je trouve ça vachement sympa.
"A la mémoire de nos frères dont les sanglots si longs faisaient couler l'acide !"
Quand j'avais 8 ans, j'ai pris ma première claque sonore en entendant Tostaky à la radio.
Depuis, Noir Désir ne m'a plus quitté...

Années collège, collège merdique de banlieue.
Bertrand Cantat s'est pété les cordes vocales dans la tournée Dies Irae, Noir désir est peut être mort : j'écoute Veuillez rendre l'âme et Tostaky à n'en plus pouvoir, je croise les doigts pour que le groupe reprenne.
"Pour les écorchés, serres-moi encore, étouffes-moi si tu veux,
Toi qui sais où, après une subtile esquisse,
On a enfoncé les vis,
Nous les écorchés, on en a des sévices !
Ecorchés vifs ! on les sent les vices !"
Grand retour des Noir dèz : je m'évade en écoutant 666 667 Club en boucle dans ma chambre, plus qu'un album, c'est ma bande-son. Je tombe amoureuse de Bertrand, de sa voix profonde et éraillée, de sa façon de brailler bizarrement toujours très maîtrisée, de ses textes poético-romantiques plein de rage qui me vont droit au coeur. Je tombe sous le charme des riffs de guitare mélodiques et violents de Sergio. J'adore le voir faire des bonds de 2 mètres dans les clips qui passent à la télé: c'est incroyablement sexy. Comment fait-il pour jouer si bien en gesticulant autant ! Ils deviennent mes potes, ma famille musicale, mes frères: je partage mes moments de joie et de détresse avec eux...

J'ai 17 ans, dans quelques heures les 1ères épreuves du bac, ma mère conduit. Moi je trifouille l'auto-radio avant de somnoler à côté d'elle.J'adore ce moment, le calme avant la tempête. "Tiens écoute ça maman, tu vas aimer" L'illitenté:
"On m'a donné un bout de rien 
j'en ai fait cent mille chemins,
j'en ai fait cent,
j'en ai fait un.."

11 septembre 2001.
J'ai 18 ans, je suis chez le Disquaire Gibert Joseph à Paris, cette date est entourée en rouge dans mon agenda depuis des semaines : c'est le jour de la sortie du dernier album de mon groupe Des Visages, des figures. En entrant dans le magasin, un clip bizarre passe sur les écrans de télé; surement un clip de Death métal: des immeubles crâment à New York.
Je passe l'après midi à regarder les infos en écoutant mon album aux paroles "prophétiques" en boucle :
"Ca y est
Le grand incendie,
Y'a le feu partout, émergency,
Babylone, Paris s'écroule, 
NewYork city iroquois qui déboule...
T'entends les sirènes , elles, sortent la grande échelle, vas-y, go !"

Juin 2002
ENFIN,
enfin je vois les Noirs dèz' sur scène,
j'ai 19 ans, je suis la seule fille au 1er rang de la fosse. Putain qu'est ce que je suis bien !
J'arrive à tenir bon, même sur Les Ecorchés, je suis celle qui braille le plus fort, même sur Tostaky, j'ai des bleus, mais je cramponne la barrière. Je suis à côté d'eux, mes potos, mes frères d'armes, mes noir dèz'...et puis sur A l'arrière des taxis, je me suis fait éjecter comme une boule de flipper à "l'arrière de la fosse", ironie du sort.
OUAHHH quelle claque, Bertrand et sa voix en vrai, ses bras qui s'ouvrent en grand et se referment sur le micro, ses yeux clos quand il chuchote, cette rage, la même, depuis toujours, quand il hurle sur scène...
Et Sergio, bondissant, qui enchaîne les prouesses techniques, se démène, avec une énergie de folie, c'est sur lui que repose toute la mécanique Noir Désir, il danse, comme en transe, tout en s'évertuant sur sa guitare.
Qu'est ce que je les aime !

Année suivante, un petit mec qui me plaît bien me rend visite chez moi, je lui montre une vidéo live de Noir dèz: c'est le meilleur moyen que j'ai trouvé pour lui montrer qui j'étais...

Et puis l'été
Bertrand,
d'un coup poing brise sa vie, celle de sa compagne, et celle de Noir dèz'.
C'est effroyable, et c'est très beau, non, bon dieu, on a pas le droit de dire que c'est beau, et pourtant...
Je ne peux m'empêcher ce jour là de me chanter en boucle une vieille chanson de Bertrand, une chanson magnifique La Chaleur, il est question d'une Marie (et dans combien d'autres chansons de Bertrand encore est-il question de "Marie"), qui tue l'autre, son homme...
"Sous les draps, trop blanc, 
l'auréole, grandit, c'est le sang et Marie à les yeux qui brillent,
Sur les rails des tramways, elle court, elle est légère, légère,
Et la pluie lave le sang, et la pluie lave ses mains,
Elle est propre enfin,
Elle est propre enfin, de cette chaleur".
Vouloir être lié à jamais à cet autre, son amoureux, son âme soeur, qu'on aime à mourir, et puis soudain...plus rien.

C'est violent, c'est la vie, c'est la fin de mon groupe.

Mais.
Ils sont toujours dans mes oreilles et dans mon coeur, malgré les années, je suis de loin en loin les projets solos des uns et des autres, je veux tout entendre. Bertrand qui chante à droite à gauche, se donnant une seconde jeunesse avec les Shaka Ponks.
Et puis Sergio, le fabuleux guitariste, qui multiplie les expériences musicales de tout genre. Il joue en live pendant des projections spéciales de vieux films (Zone Libre), il improvise avec une contrebassiste contemporaine, il joue dans un magnifique duo guitare électrique / oud (Interzone) avec le talentueux joueur syrien Khaled AlJaramani.

Et il y a 3 jours dans une petite salle parisienne :



Assise à 2 mètres de Serge Tessot-Gay, plongée dans les mélancoliques boucles sonores qui sortaient de sa guitare, les yeux ne décollant pas des doigts de sa main gauche, et les  mouvements hypnotisants de sa danse,pieds nus, j'ai eu bien du mal à retenir les larmes de bonheur qui me sont montées au yeux.


Putain, mec, ça fait une vie que le son de ta guitare m'accompagne.
T'arrêtes pas, surtout t'arrêtes pas...
Interzone                                              Noir Désir